One little speech for two demons [Rampa]

C'est la pleine lune ce soir. De quoi occuper les agents de l'ordre de cette ville, avec le signalement de quelques chiens errants et les urgences débordées de morsures aux conséquences imprévues. Il y a trop de vampires dans cette ville, et trop de fouineurs parmi eux. Cette race inférieure a le mauvais don de nous sentir, même si elle ignore ce à quoi elle a affaire en notre présence. Et malheureusement pour les affaires, la plupart d'entre eux sont trop bien intégrés à cette ville pour qu'il suffise de les faire disparaitre sans laisser de trace. Les enquêtes, il n'y a rien de pire pour ruiner une réputation, et j'ai besoin de cette réputation pour obtenir ce que je désire de cet endroit. C'est pourquoi j'ai décidé de faire le tour de mes forces présentes en ville, dernièrement. Et après avoir pu m'entretenir avec Barabas et Lloth, sans oublier ce moins que rien de Balthazar, qui, malgré sa position dans la police locale,  risque fort d'avoir de mes nouvelles s'il ne parvient pas à retenir le zèle de ses agents, c'est un autre visage moins connu de votre mythologie que j'attends patiemment derrière mon bureau. Un autre visage qui n'a guère intérêt à me faire attendre plus que nécessaire, au risque d'un retour inopiné en Enfer. Si je compte ainsi offrir un soldat supplémentaire à l'ennemi? Je préfère avoir peu d'alliés fiables qu'une flopée d'incapables.

"Rampa. Je ne t'attendais plus."

Je ne l'accueillerai cependant pas à la porte de mon bureau. Il m'a fait attendre, et je déteste cela. Me voir tourner le regard vers lui est tout ce qu'il mérite.

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Je prends gracieusement mon temps. Réajuste mon costume dans le miroir, passe ma main dans mes cheveux pour tenter de dominer la mèche rebelle qui me retombe sans cesse sur le front et m’octroie un sourire à ce reflet si satisfaisant. Un rendez-vous avec le maire n’est pas à négliger et je lui accorde même le quart d’heure de retard de politesse soit disant. Je n’ai que faire de sa soit disant supériorité même s’il l’est de fait. Je suis arrogant, je ne supporte pas sa manière de me rappeler que je suis un démon inférieur alors qu’il ignore que ces dernières décennies, mes pouvoirs ont grandi. J’ai nourri mes desseins, ma carrière. Je me suis gorgée de péchés et noirci un peu plus mon nom. Les humains ne peuvent pas identifier un tas de cendres, brûlés par les flammes d’un démon et donc aucune preuve de mes crimes. J’ai éliminé seulement mes ennemis les plus redoutables et laissé les petites mains à mon service se charger des autres. Et pourtant me voilà, courber l’échine devant se démon et répondre à ses faveurs.

Je m’avance d’un pas sûr vers la porte de son bureau, la tête haute et les épaules droite. S’il faut que je plie, autant le faire avec grâce.
Il daigne lever un regard vers moi, mais je sens son mécontentement se faufiler dans chaque recoin de la pièce, une sorte de fog malsain qui émanerait de son être.

« Vous savez bien que je ne vous ferais pas défaut. »

Je lui souris et m’assied devant son bureau, croisant les jambes et m’adossant de manière décontracté et élégance. Il sait meubler son antre avec classe le fourbe. Tout est minutieusement paramétré pour le mettre en position avantageuse, jusqu’à son nom posé sur son bureau sur un socle cuivre parfaitement poli, les lettre se détachant avec tranchant et imposant un silence à l’interlocuteur n’ayant pas les couilles pour lui tenir tête. Perso, je les ai.

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L'arrogance des jeunes démons va bien souvent de pair avec une incapacité chronique à ressentir les limites de leurs dons. Bien sur qu'il ne faut pas rester sagement dans ces limites, auquel cas on ne progresse jamais, et l'on passe sa vie à se faire marcher dessus par plus puissants que soi. Mais il faut savoir jauger l'adversaire, et ne s'en prendre qu'à légèrement plus fort que soi, plutôt qu'aller attaquer quelqu'un qui vous descendra avant même que vous n'ayez eu l'idée de l'attaquer.

Rampa semble, par bien des égards, fait du même bois que moi. L'un de ces démons dont aucun de ses ainés ne se méfie, mais qui, tôt ou tard, fera parler de lui. Si c'est la raison pour laquelle il a su se faire une place parmi mes vassaux? Pas uniquement. Si ce jeune mérite d'avoir sa place, il a tout intérêt à se rappeler qui de nous deux est supérieur à l'autre. Pour le moment, il semble s'y tenir.

"Toujours faire confiance à ses alliés pour être indignes de confiance. Si tu as une leçon à retenir aujourd'hui, fais que ce soit celle-là."

Je jette un œil à mon agenda, vérifiant mes rendez-vous concernant la journée de demain avant d'en barrer un, de la pointe d'un stylo-plume taillé dans un bois trop précieux pour être abordable.

"Barabas a su faire assez de bruit pour que son retour ne passe pas inaperçu parmi les nôtres, j'imagine. Un retour qui rebat les cartes en notre faveur. Et nous offre l'occasion de nous débarrasser de quelques éléments gênants."

Ce que j'omets de préciser? Que le retour de Abraxas en même temps que son si précieux cadet est en revanche source d'ombrage me concernant. Une épine que je préfèrerai voir loin de mon pied. Mais il y a plus urgent à régler dans l'immédiat. Nul doute que Barabas sera enchanté de régler ses comptes avec son frère une fois qu'il aura fini de s'amuser aux dépens de cette ville.

"Balthazar devra être le premier d'entre eux. Il est devenu incapable d'éloigner les forces de l'ordre, sous son commandement, de nos petites affaires. Son remplacement est d'ores et déjà prévu. Tu te chargeras de veiller à ce qu'il n'ai pas l'occasion de rejoindre nos frères qui vivent en bas de ce monde."

Si je place de trop grands espoirs dans un simple vampire, pour reprendre le flambeau de la tâche que Balthazar, un démon de moyenne importance, n'a pas su réaliser? Les vampires sont justement le nœud du problème. Ainsi qu'un ou deux loups-garous. L'influence de Dracula devrait contenir les premiers... et détruire les seconds. Qu'il se pense son propre dirigeant s'il le souhaite, Azazel sera toujours au dessus de sa tête... et le cas échéant... Originel ou pas, un vampire n'est qu'un tas de cendres qui attend de retourner à la poussière.

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Moralisateur … mais quel vieux jeu ! Je n’ai aucune leçon à retenir de ce reliquat de démon, il ne sait pour moi, pas du tout s’adapter à sa condition et se fera calciner vivant par mes flammes dès que l’occasion se présentera. Et tous ces noms de démons … j’avoue m’être habituer à vivre parmi les humains et me suis habitué aux noms bien plus communs et moins pompeux. Barabas n’est qu’un lèche bottes trop effrayer d’affronter son frère pour le faire seul et je garde dans un coin de ma tête que si l’un revient, l’autre doit être dans les parages. Un sentiment que l’un ne va pas sans l’autre. Ils ont une sorte d’attache malsaine, peut être à leur détriment. Je me sens toutefois un peu perturbé de ne pas être au courant du bruit qu’à soi-disant fait ce démon.

« Pardonnez mon ignorance Maître, mais il semblerait que mes informateurs aient omis de me mettre au courant de ces faits, pouvez-vous me les résumer ?. »

Azazel me dira bien ce qu’il veut, il faudra sans doute que je complète par mes indics pour corroborer son histoire et m’assurer qu’il n’ait rien modifié pour tirer la couverture à lui. Le démon me demande ensuite de bloquer l’accès aux enfers à Balthazar … autant un long voyage dans les limbes l’attend et je pourrais presque le plaindre si j’étais capable d’une telle émotion. A savoir qu’un démon qui se voit refuser l’entrée aux enfers devient un errant. Il perdra peu à peu ses pouvoirs qui sont les sources de son énergie et finira éventuellement par disparaître. Cela dépend entièrement des ressources dont dispose le démon avant de se retrouver parmi les égarés. Cette sanction est irrémédiable. Je n’ai jamais entendu parler d’un démon qui parvienne à en réchapper. Ce n’est définitivement pas fairplay et … comment dire … cela ne m’étonne pas d’Azazel …

« Très bien … je me chargerai de cela. »

Je ne montre pas la moindre opinion concernant ses requêtes, il serait bien capable de me punir juste pour cela et je n’en attendrai pas moins du démon qu’il est, mais j’attends dans l’ombre, le jour où la faille me permettra de m’introduire et il sera renvoyer aux enfers dans une cellule que je lui réserverai, avec tout l’inconfort qu’il mérite.

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J'offre un léger sourire compatissant au jeune démon qui se tient face à moi, qui n'apprécie certainement pas d'avoir raté une information aussi intéressante que celle qui concerne le retour de Barabas. Nul n'est besoin de lui faire remarquer son inattention et ainsi enfoncer le couteau dans la plaie. Bien au contraire, il semble prêt à s'instruire, alors, ne brisons pas cet élan.

"Peu surprenant. Barabas se vante rarement de ses succès, ce qui ne l'empêche pas d'être bruyant, soit dit en passant... mais je te conseille de jeter un œil aux infos locales. L'on parle d'une recrudescence de décès où les victimes semblent être littéralement mortes de peur... et rajoutes-y les suicides que l'on qualifierai de "bizarres". Quelle est ta peur la plus profonde, Rampa?"

Des suicides bizarres? Barabas est capable d’œuvres d'art en matière de mort. Ce qu'un arachnophobe s'imaginant recouvert de milliers d'araignées miniatures est capable de se faire subir pour s'en débarrasser n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Pour être honnête, j'aime à avoir ce démon dans mon camp, et pas uniquement pour le spectacle qu'il sait offrir. Son inconvénient principal? Il est ingérable. Alors, en vérité, le retour de Abraxas est peut-être une bonne chose, au final. Il suffira d'autoriser Barabas à se préoccuper de son frère pour ne plus avoir à se soucier de ce qu'il fait.

"Il y avait un siècle que le démon de la Peur et le voyageur temporel étaient enfermés au plus profond de l'Enfer. Leur retour risque d'apporter quelques divertissements, autant en ce monde que dans le notre."

Concernant Balthazar, il a toute ma confiance. Nul doute que se débarrasser d'un concurrent gênant n'est pas pour lui déplaire. Et s'il peut le faire en s'amusant un peu aux dépens de l'autre... Nous sommes des démons, même si certains d'entre nous tendent à l'oublier. Comme le diraient les elfes noirs, nous faisons le mal, mais nous le faisons bien. Ce qui me fait penser qu'il me faudra jeter un œil au présent de ce kobold. Un habitant d'Illusk prêt à m'en faciliter l'accès, en théorie, ça ne se refuse pas. En pratique, les kobolds ne sont pas leurs propres maitres, alors j'aimerais beaucoup savoir qui est aux commandes de celui-ci.

"Une dernière chose, Rampa. Certains de mes conseillers les plus inutiles en sont venus à me suggérer de tenir un bal, pour Noël. Une histoire de popularité face aux élections qui se profilent. Profites-en pour me présenter cette délicieuse créature autour de laquelle tu gravites actuellement."

Si mon ton se fait plus caressant, totalement hypocrite sans chercher à le dissimuler? Notre avenir n'est pas dans le métissage, surtout pas avec ces faibles humains. Ou alors, laissons cela aux démons les plus inférieurs, dont les descendants alimentent les émissions de crimes et autres meurtres en série. Rampa mérite bien mieux. Mais s'il souhaite s'amuser, ce n'est pas moi qui l'en empêcherait. Et si tel est le cas, je compte bien être aux premières loges du traitement qu'il fera subir à cette enjôleuse.

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Sa machination m’intrigue pour le moins. Il semble se jouer du danger que représente ces deux démons. On ne parle pas ici de petits démons inférieurs, au pouvoir dans les chaussettes, non, non. Eux sont des démons majeurs qui pourraient bien pimenter notre quotidien. Je soupire face à ma bêtise. Comment ai-je pu rester aveugle à ces nouvelles ? je lève un sourcil étonné à sa question et répond comme tout bon démon le ferait, en lui léchant les bottes.

« Vous déplaire, Maître. »

Et j’esquisse un sourire.
Je laisse dans un coin de ma tête qu’il me faudra recruter quelques informateurs supplémentaires si ce n’est effectuer un aller – retour aux Enfers pour évaluer les tenants et les aboutissants de leur évasion. Rien n’est jamais laissé au hasard, les accidents n’existent pas.
Je le plains de devoir se coltiner ces mondanités pour l’image et pourtant je m’y prête tout autant lorsqu’il se doit, en fait, je le pains parce que cela à l’air de lui déplaire, mais personnellement je m’éclate à jouer l’humain et j’avoue serrer les dents en l’entendant évoquer ma perle rare, ma douce et tendre Inaya.

« Bien sûr »

Je ne peux que le voir transpirer l’hypocrisie. Il n’a cure de qui je fréquente, tant que cela ne lui porte préjudice. Je comprends bien qu’il ne souhaite que me rabaisser, pour lui, je fricote avec les humains et me descend à leur niveau. Libre à lui de ne pas comprendre que la couverture que nous prenons compte tout autant que le démon qui sommeille en nous à chaque fois que nous allons à la surface. Les humains ne sont pas dupes, ils ne comprennent pas les enjeux, mais animés par la peur, sont capables de bien des absurdités qui pourraient partiellement nous nuire. Et soyons honnête … Inaya est une distraction de choix.

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