Mea Culpa [Inaya & Silas]

Dante est aux arrêts jusqu'à nouvel ordre, et avec Nathan pour l'empêcher de sortir je pense que c'est à peu près, effectivement, comme s'il étaient sous clefs au commissariat, alors le temps de le voir revenir, je me suis permis, avec la bénédiction de son sorcier, de lui emprunter son sort de protection, histoire de pouvoir gérer la partie du boulot qu'il gère habituellement à la lumière du jour. Ce qui ne m'empêche pas de raser les murs et aller de zone d'ombre en zone d'ombre. Quand on vit 40 ans dans l'ombre, c'est pas évident de retrouver la lumière. Si j'en profite? Moyennement. Mes lunettes de soleil restent vissées sur mon nez pour protéger mes yeux, et je jurerai avoir réussi à choper un coup de soleil dans la nuque, donc, qu'il ne s'en inquiète pas, sitôt que j'en aurai plus besoin, sa babiole, je la lui redonne sans hésiter.

Bref, c'était pour planter le décor et expliquer comment je peux être dehors en plein jour, même si c'est à l'abri sous l'ombre d'un arbre dont les feuilles commencent tout juste à profiter du printemps pour pousser. Le café dans ma main? Pas pour moi. Mais plutôt pour la jolie blonde qui sort à l'instant du commissariat, la seule bonne justification pour moi pour croire en la magie de la perle de Dante et m'aventurer à sa rencontre en plein soleil.

"Inaya?"

Je retire mes lunettes pour croiser son regard, n'ayant aucune envie de jouer d'un masque quelconque face à elle. Bien que mes yeux m'en veulent d'avance, peinant à rester ouverts devant tant de lumière. Ca fait trop longtemps que nous avons perdu ce lien fragile mais précieux que nous avions par le passé, le tout à cause de ma propre imbécilité. Je lui tends le verre de café, n'ayant pas oublié comment elle l'apprécie.

"T'aurai un peu de temps pour parler? Je promet de me tenir à carreaux."

Je souris, tâchant d'y mettre du mien pour lui montrer que je cherche réellement à faire un pas en avant, malgré l'inconfort visuel dans lequel je me trouve.

Voilà plusieurs semaines/mois que Silas et moi nous sommes embrouillés à propos de Rampa. Je sais bien qu'il est de l'avis de Marie au sujet de mon compagnon et je ne vais même pas chercher à leur prouver le contraire, ils verront bien. Ils seront bien obligés d'admettre l'évidence ... il n'est pas parfait, personne ne l'est, mais j'ai confiance en lui, je l'aime.
Et pourtant, il est là devant moi. Après ce qu'on a pu se dire, je me demande comment il a fait pour être là aujourd'hui. Sachant qu'il est quoi ? 16h ?

- Bordel Silas, reste pas là ! T'es fou !

J'avais pas capté tout de suite. Mais il était en plein soleil, en plein après-midi. Je cours vers lui pour essayer de le protéger, comme si je pouvais faire quoi que ce soit face au soleil.

Lorsque je parviens enfin à sa hauteur, je comprends enfin qu'il ne brûle pas littéralement. Comment c'est possible ? Y a un truc qui m'échappe. Il veut qu'on parle ? Mais de quoi bon sang ? Va d'abord falloir qu'il m'explique comment il peut être ici devant moi.

- Ok, ok. Allons nous mettre à l'ombre tu veux bien, tu me fais flipper là!

Il sera toujours temps de lui en coller une après si il joue au con, mais là tout de suite, je tiens pas à le voir partir en fumée, au sens propre du terme.

On se dirige vers le bar le plus proche. Enfin je croyais que c'était un bar, mais il s'agit en réalité  d'un café librairie. En tant normal, j'aurais dit que j'aimais bien ce lieu, mais là vraiment ça m'intéresse pas, mais alors pas du tout.

- Tu m'expliques ?!

La première réaction d'Inaya est de paniquer de me voir là, en plein jour et surtout en plein soleil (je crois que j'ai trop habitué mon monde à courir de zone d'ombre en zone d'ombre par temps couvert quand j'ai vraiment nécessité à sortir en plein jour), et si je passe d'abord par l'incompréhension, je dois admettre qu'inconsciemment, j'apprécie qu'elle puisse encore s'inquiéter pour ma personne. Disons que c'est rassurant quant à la conversation que j'espère avoir avec elle.

"Ca va, je brûle pas. Promis ça va."

Je la laisse me trainer littéralement jusqu'à un café librairie où il m'arrive de trainer à l'occasion, davantage pour lire que pour prendre un café, davantage encore pour surveiller les allées et venues du commissariat proche que pour lire, bien que je n'ai aucune difficulté à faire les deux en même temps. Disons que ça me change de mon coin tranquille dans la niche de fenêtre de mon appartement pas toujours si tranquille.

C'est une fois installés que je me rend compte qu'elle n'a apparemment pas apprécié de s'inquiéter ainsi pour moi. Une raison de plus de me faire pardonner, je crois. Disons que je ne suis plus à une près, il semblerait.

"Dante est en congés. Jusqu'à ce que et moi-même et son compagnon décrétions qu'il est opérationnel pour le boulot. Autant dire un bon moment. J'ai emprunté sa perle magique anti-carbonisation solaire en attendant. Faut bien continuer à gérer le travail qu'on a à gérer en journée."

Si je ne suis pas vraiment en train de gérer du boulot en journée là? On ne va quand même pas me reprocher d'en profiter cinq minutes alors qu'on passe son temps à me reprocher qu'hormis mon boulot je ne sais rien faire de mes journées!

"Il est vrai que j'en ai légèrement abusé aujourd'hui. Mais il fallait que je te vois."

Je retire mes lunettes de soleil du haut de mon crâne où je les sens glisser lentement mais surement avant de les accrocher au col de mon tee-shirt, où elles risquent beaucoup moins de me casser les pieds.

"Pour commencer, je m'excuse pour la frayeur. C'était pas prémédité. Si c'était la seule chose pour laquelle j'ai à m'excuser..."

Il me dit qu'il ne va pas brûler. Nous nous dirigeons vers le café et je tente de faire redescendre un peu la pression en prenant quelques profondes inspirations. Il m'explique avoir empruntait une perle magique à son collègue. Je comprends à son histoire que c'est un objet permettant à un vampire de se balader en plein jour. Je ne savais pas qu'un tel objet existait.Ca doit pas courir les rues. Je connais bien peu de chose du monde surnaturel, malgré le fantôme ayant élu domicile dans mon corps et mon compagnon. Rampa ne me parlait pas trop de ça et Marie et bien c'est Marie, elle était elle-même loin de tout savoir, malgré ses quelques connaissances au fur et à mesure de ces rencontres spectrales.

- Bin ça alors, j'ignorais que c'était possible. C'est fou !

Il retire ses lunettes, après m'avoir dit qu'il voulait me voir. C'est pour moi qu'il était en plein cagnard devant le commissariat ? Je savais qu'il était un peu fou (qui ne l'est pas pour travailler dans notre domaine), mais là il atteint des sommets.
Il s'excuse pour la peur qu'il vient de me faire. Je ne les accepte pas, ni  ne les refuse, j'attends de voir la suite. Oui maintenant que je suis là, autant écouter ce qu'il a à me dire.

- Dis moi tout!

J'ai eu du mal à encaisser notre dernière entrevue, mais maintenant qu'il était là, j'étais un peu contente de le voir, au fond, mais je n'allais pas lui faire le plaisir de le reconnaitre.

Je glisse une main sous le col de ma chemise pour en dégager le collier sur lequel j'ai attaché l'objet magique pour lui permettre de le voir, sans toutefois le retirer, conscient que je reste plutôt inflammable sans ce truc.

"Je l'ignorais également jusqu'à voir débarquer ce fichu vampire en plein jour. Et je dois avouer être assez habitué à ma condition pour ne pas avoir cherché à en savoir plus auprès des quelques sorciers que je connais."

Cela dit, ces quelques sorciers se résument à Nathan et quelques autres plus doués pour lire des formules magiques sur des parchemins que pour réellement exercer la magie, ce qui n'aide pas mon instinct de préservation à leur accorder cette confiance. Replaçant la perle à sa place, je remarque qu'elle n'a pas explicitement accepté mes excuses pour ce simple incident, ce qui ne présage rien de bon pour la suite.

"J'ai été le roi des cons avec toi. J'ai rejeté ce que je ressentais pour toi, puis j'ai jalousé ce que ce démon avait avec toi, avant de t'éviter tout bonnement... Pour finir par essayer de te faire porter cette culpabilité et t'arracher ce baiser contre ton gré... Bref, j'aimerai pouvoir tout effacer et retrouver ce qu'on avait avant tout ça, mais j'ai beau être un fichu vampire, je sais que même la magie n'est sans doute pas assez forte pour ça."

Je laisse un ange passer avant de préciser le cours de ma pensée, certainement aussi clair pour elle qu'il me parait l'être... soit pas du tout.

"En gros, là, j'essaye de te faire des excuses pour mon comportement de merde ces derniers mois."

- Attends deux minutes... t'es entrain de me dire que ce collier t'évite de cramer au soleil... Mais pourquoi tous les vampires n'en ont pas ? Vu le nombre de sorciers au kilomètres carré dans cette ville, ça me surprend un peu.

Le fait qu'ils brûlent au soleil est un des critères pour les repérer et les empêcher d'avoir une certaine vie sociale (même si la vie nocturne convient bien même à certains humains).

Mais nous en revenons bien vite au sujet qui nous intéresse, la raison de sa venue au commissariat pour me parler. Je suis curieuse et méfiante à la fois. Chat échaudé craint l'eau froide.J'ai bien envie de le couper mais son regard m'en empêche. Il semble sincère dans ses excuses.

- Jusque là je t'avais connu plus fin et délicat s'est sur.

Les sentiments que j'avais ressentit pour lui était du passé pour moi. J'avais cru que je ne l’intéressait pas dans ce sens là, j'avais donc décidé de passer à autre chose et au moment ou j'y parviens, oui je suis heureuse dans les bras d'un autre il vient me dire que lui aussi avait des sentiments pour moi. Il avait pas le droit de faire ça, de me faire culpabiliser. Je n'aimais pas savoir les gens que j'aimais malheureux, mais ce n'est quand même pas de ma faute s'il n'avait pas exposé ses sentiments auparavant. De mon côté, j'estimais lui avoir envoyé plusieurs perches qu'il n'avait pas attrapé, par peur, par ... je ne sais pas pourquoi à vrai dire. Mais si j'avais pu passer au dessus de tout ça il pouvait le faire aussi, il le devait et il n'avait pas le droit de m'en vouloir pour ça.

- Excuse accepter... si tu me promets de ne pas recommencer ! Je suis heureuse Silas et si nous sommes amis, tu devrais plutôt être content pour moi, non ?

Une serveuse s'avance pour nous demandons ce que nous prendrons. Je n'y avais même pas réfléchit une seule seconde. j'avais eu tellement peur, puis j'avais été très en colère... tout ça en si peu de temps... Enfin bref, je réponds au pif :

- Un thé noir s'il vous plaît !

J'attends que Silas commande ou non quelque chose. Allons nous pouvoir avoir une discussion saine et normale, ou pas ? Je reste sur le qui vive. Mais au moins je suis prête à discuter.

Je retiens un rire quand elle pointe l'évidence même concernant la babiole magique et son utilité pour nous autres vampires.

"Je crois que les sorciers ne voudraient pas infliger cette peine aux vivants. Notre allergie au soleil, c'est un bon moyen de nous tenir en laisse. Et pour être honnête, la vie nocturne de cette ville permet largement de se passer de sortir en plein jour, de mon point de vue. Le plus compliqué étant d'occuper 17h en intérieur fin juin."

Cela dit, avec le travail qui est le mien, je n'ai en général que peu de difficultés à les occuper, ces 17h. Quand au sujet qui nous intéresse vraiment? Je prends le tacle sur mon manque de tact sans broncher, n'ayant de toute façon rien à y redire.

"J'te promet de pas recommencer." Mais ne me demande pas d'arrêter de t'aimer, ça, c'est au dessus de mes capacités. "Je suis content pour toi. Mais je suis aussi inquiet pour toi. Comme le serait n'importe quel ami. Surtout quand il craint assez son propre démon intérieur pour craindre celui des autres." Et non, je ne jouerai pas à "je te l'avais bien dit" si cette histoire finissait mal. "Cela dit, j'espère que tu as raison à son sujet. Tu le mérites."

Nous sommes interrompus par une serveuse venue prendre notre commande, et je me contente de demander la même chose qu'Inaya avant de la laisser repartir hors d'atteinte de son audition.

"Alors du coup, le commissariat sous la coupe des ancêtres vampires? J'dois bien avoir un pieu en bois ou deux dans mon bureau au besoin. J'évoquerai bien une patte de chaise brisée mais y a trop d'inox et pas assez de bois pour ta sécurité dans ton local..."

- Oui vu comme ça c'est sur.

La vie nocturne de Chicago ? Je vous avoue que ça a jamais été mon truc. Je n'ai peut-être pas une vie sociale très développé, c'est vrai, mais je ne suis pas boîte de nuit et puis c'est la  nuit que se trouve le plus la violence (enfin à mon sens en tout cas). Pourtant je sais bien que ça arrive au quotidien, en plein jour, avec mon métier je suis bien placée pour le savoir. Et puis bon je peux tout aussi bien danser et "rencontrer" des gens en plein jour; alors à quoi bon.

Ne pas recommencer ? Ca ça me parle un peu plus déjà. Oui j'ai envie de lui faire confiance. Je veux retrouver mon ami, mon confident. Il est un des rares que je connaisse (que je connaisse tout court d'ailleurs) à qui je peux me fier, à qui je peux parler de ce que je suis.

- Merci pour ton honnêteté. Je sais qui il est et je sais que ce n'est pas un ange (loin de là), mais je sais à quoi m'attendre et ce qu'il ressent pour moi. Je ne risque rien de sa part, j'en suis sûre.

Oui j'ai bien dit de sa part, je ne suis pas idiote, même si il ne me dit pas tout, avec le "rêve" que j'ai fait, j'ai bien comprit qui il était et ce qu'il faisait de ses journées et du coup je me doute qu'il n'a pas que des amis et que potentiellement, ils peuvent s'en prendre à moi. Mais j'ai confiance en Rampa et je sais qu'il me protégera aussi de tout ça. Il m'a prouvé plus d'une fois qu'il m'aimait. Je n'ai aucune raison de douter de ça.

Il change carrément de sujet, en évoquant Vladimir Tapes et sa nouvelle secrétaire, Sylvana. Marie arrive à savoir qu'ils sont très vieux en effet.

- Je pense pas risquer grand chose avec eux, vu que je fais juste mon travail et je me mêle pas de leur histoire. Je pense qu'il le sait. Mais je te promets de garder une tresse d'ail dans un tiroir.

Dis-je en souriant pour essayer de détendre l'atmosphère. Ce genre de discussion avec lui m'avait manqué.

- Tu les connais ?

Je souris en réponse, appréciant qu'elle rejoigne mon point de vue sur la question. Un sourire qui s'efface quelque peu quand le sujet rebondit sur le démon dont elle s'est amouraché. J'ai dit que je ne me mettrais pas entre eux, pas que j'approuvais.

"Par pitié, n'ais jamais autant confiance en moi. Pas quand je ne suis moi-même pas certain que je saurai résister si mon besoin de sang coïncidait avec une blessure sur ta personne."  

J'avoue ne pas savoir si je fais de l'humour noir ou si je suis sérieux. Sans doute un peu des deux. Lui ou moi, nous restons des prédateurs, chacun à notre niveau, et je crois que Marie ne sera pas de trop pour conserver le brin de méfiance qu'il manque clairement à Inaya sur ce coup.

"Quand à ces deux-là." Je m'interromps le temps que la serveuse amène notre commande et reparte avec un billet de ma part, ça évitera qu'elle revienne pour se faire payer. "J'ai effectivement le déplaisir de les avoir déjà croisés. De très près en ce qui concerne Dracula, d'ailleurs. Tapes. C'est lui qui a eu la brillante idée d'accorder l'immortalité à l'idiot d'anglais en face de toi."

Quand à Sylvana? C'est juste une peste, de mon point de vue. Qui ne sait s'amuser que du malheur des autres. Et à laquelle j'espère ne pas ressembler avec quelques siècles de plus, si je parviens à les atteindre.

"La blonde est une vipère. Et ça ne lui plait pas du tout que je ne rentre pas dans son jeu. Récupérer Dante en miettes à leur première rencontre a suffit à me convaincre. Alors tu vas sans doute me dire que je suis une fois encore trop méfiant, mais toi, tu ne l'es pas assez. Je serai presque tenté de te suggérer d'installer une lampe UV dans la morgue."

Ce qui ne serait clairement pas bon pour moi, nous sommes d'accord. Mais si ça peut l'être pour elle, une fois encore, je suis prêt à ce sacrifice pour elle.

"Concernant l'ail... oublie. C'est une odeur infecte, mais hormis ça..."

Je ris doucement avant de baisser le nez vers ma tasse de thé. Pour l'anglais que je suis, on a connu mieux, mais on est tous d'accord qu'il n'y a qu'en Angleterre qu'on sait préparer un thé convenable. Et en Russie qu'on sait préparer la vodka, Dim, dégage de là xDD En vérité, rien n'a plus la même saveur depuis que mon régime alimentaire est composé de sang à quasi 100%, alors me fier à mes papilles pour déterminer la saveur d'un aliment... c'pas encore demain la veille.

- J'ai confiance en toi Silas, mais je te le dirais pas si tu veux.

Ok c'est pas très subtil, mais ça me fait rire. Son regard après coup est très drôle je trouve et très touchant à la fois.

- Il t'a fait ça ?! Mince alors! Comment tu le sais ? Je croyais que ton créateur c'était barré en te laissant pour mort...

Je suis pourtant à peu près sure d'avoir déjà eu cette conversation avec mon ami à ce sujet. Il n'a jamais été très explicite sur sa vie, mais il avait accepté de se dévoiler un peu sur son changement de bord (humain-vampire, pas sexuel).

J'imagine Sylvana sortant les crocs dans ma morgue, avec des lampes UV partout autour de moi, comme une barrière protectrice. Elle chercherait désespéramment à passer à travers sans succès et moi je serais coincée à l'intérieur, en attendant qu'elle se fatigue, ce qui ne serait pas près d'arriver.

- Ils profitent d'être nombreux à connaître notre secret pour pouvoir gérer pas mal de crimes ou délit fait par d'autres membres du surnaturel, ils vont pas s'amuser à faire du mal à leur collègue humain, non ?!

Si j'essaie de m'en convaincre ? Oui assurément. Ca l'a ficherais mal quand même et puis comment ils justifieraient ça auprès de la justice ? D'un autre côté, à force de gérer de tel crimes, ils doivent être experts dans le fait de le cacher au reste du monde ... je suis fichue enfaites... J'avale difficilement ma salive a cette idée. Je vais plus fermer l’œil du coup, merci Silas. Non d'ailleurs c'est pas vrai, j'aime tellement mon métier et tout ce que ça implique que je ne pense pas garder cette boule au ventre bien longtemps. Juste le temps qu'on parle d'autre chose ...

Mon nez se plisse à l'évocation de l'odeur, alors si en plus ça sert à rien, effectivement je vais oublier l'idée. Je ris en même temps que lui. Il m'avait déjà dit que ça servait à rien, mais le fait que cette idée soit aussi répandue me fais toujours sourire. C'est fou quand même! Les écrivains ou les scénaristes avaient de quoi créé un univers des plus réels, puisque les vampires existent véritablement, et ils ont quand même réussit à se foirer... ou alors c'est justement pour que jamais on ne les découvre ? Et qui est le premier à avoir voulu faire de telle création ? A-t-il voulu protéger ce monde ? Ou au contraire a t-il déceler une partie de la vérité et a t-il voulu en comprendre tous les rouages ? cela restera un mystère j'imagine. Et imaginez que ce soit carrément un vampire qui ait été le premier a en parler, pour mieux se protéger.
Ok je m’emballe, mais je serais curieuse d'avoir la réponse à mes questions. Peut-être que Sylvana ou Vladimir le sauraient.

Le nez dans son thé, je me suis toujours demandée pourquoi les vampires pouvaient manger ou boire parfois, alors que ça ne leur sert à rien. Certain ont gardé ça comme souvenir de leur vie humaine, mais au vu du regard de Silas présentement, envers sa tasse de thé, je comprends que ce n'est pas un réel plaisir, alors pourquoi ?

- Il a l'air bon ce thé !

Je laisse passer un silence, avant de poursuivre.

- Et sinon, quoi de neuf ? Au faites, c'est qui la petite blonde qui te traine autour ?

Je lui lance un regard appuyé, limite ennuyé, quand elle me rétorque qu'elle a confiance en moi. Si c'est pour lui briser le cœur, et le mien en passant, oui, on peut avoir toute confiance, pas de souci. Pour le reste, je n'insiste pas, elle est plus têtue que moi quand il s'agit de montrer aux autres qu'ils ont de la valeur, même quand ils n'en ont aucune. Oui, j'évoquais son démon, si jamais.

"C'est le cas. Mais j'ai eu l'occasion de croiser une de ses infants... et lui-même bien sur. Y a une sorte de... reconnaissance sensorielle, si j'puis dire, entre vampires de la même source. Quand j'l'ai rencontrée elle, ça m'a mis la puce à l'oreille. Lui, ça a été une évidence. Enfin, j'me suis débrouillé seul pendant 35ans, c'est pas pour décider de dépendre de celui qui a pas su me finir proprement aujourd'hui."

Dixit l'homme qui s'est quand même démerder pour rendre un peu plus officiel que par le passé le fait de mettre le nez dans les affaires des flics pour son propre bureau... disons que c'était plus simple de passer inaperçu quand le capitaine du commissariat avait pas les sens plus développés que je ne les aurait sans doute jamais, sans parler de sa vipère de compagnie.

"Ils feront jamais un aussi bon boulot que nous, mais oui, on peut dire que j'ai un peu moins d'affaires non résolues à me mettre sous la dent, avec eux. Enfin, vu que Dante a deux bébés vampires à gérer et que j'ai mon compte d'histoires de famille à gérer, j'vais pas m'en plaindre." Je glisse ma main à mon visage, passant rapidement mes doigts sur la barbe de deux jours qui me mange les joues. "Reste prudente quand même. On sait jamais ce qui peut leur passer par la tête."

Apparemment, ma réponse concernant l'ail ne lui convient qu'à moitié. J'ose me dire que celui qui a lancé cette rumeur appartenait à notre race, ou s'est fait flouer par l'un d'entre nous. Peut-être histoire d'écouler un stock d'ail invendu ou simplement rire de l'ignorance des humains à notre propos. Je relève la tête de ma tasse de thé quand Inaya me dit qu'il a l'air bon, et je lui souris sincèrement avant d'en boire une gorgée.

"Ca fait trente ans que je m'obstine à manger un peu régulièrement pour donner le change auprès de ma famille, mais ça ne vaut toujours pas un verre de sang frais."

Je me réinstalle sur ma chaise, m'adossant au possible tout en levant un regard amusé vers elle, quand Inaya évoque cette "petite blonde qui me tourne autour". Et oui, je cherche cette légère pointe de jalousie dans sa voix, de celle qu'on trouve chez à peu près tout le monde quand, inconsciemment ou pas, on a l'impression que notre attention ne peut pas se partager avec une autre personne.

"Adé?" Oui non, je fait l'âne pour avoir du son, et en prime, je ne suis pas bon à ce jeu là. "Nan pardon, j'imagine que tu parles de Gwen. Ma fille. Autre bizarrerie de la magie que j'ai envie d'accepter sans me poser de questions."

Sans doute parce que j'ai tant donné et si peu reçu, au fil des décennies, que pour une fois, j'ai envie de croire que ce foutu monde peut me donner quelque chose sans me reprendre plus en passant.

"Attends."

Je sors mon portable de ma poche et fouille un moment dedans jusqu'à trouver une photo de Gwen, et lui tendre l'appareil pour qu'elle puisse y regarder de plus près.

"Elle te plairait. Même si je ne peux pas dire y être pour grand chose."

Et oui, il se pourrait que je partage la culpabilité de Nathan sur "ma fille est top, mais c'pas grâce à moi". Associé à mes autres culpabilités, ça n'aide pas franchement ma vie sociale. Soyons honnêtes, ma fille est plus dégourdie que moi en société, et elle a passé les dernières décennies entre quatre murs...

Je bois plusieurs gorgées de thé, tout en l'écoutant me parler de sa vie de famille vampire. J'aime en savoir plus sur ce monde qui nous entoure. J'ai beau avoir un esprit qui se balade dans mon corps les trois quart de l'année, elle me tient aussi éloigné que possible de cet univers, d'autant plus depuis que je suis avec Rampa, je crois. Bon voir les esprits quand elle est en moi, ça j'y échappe pas, mais pour le reste, on en parle très peu. Je m'en passe très bien à vrai dire. Mais je suis heureuse de pouvoir en parler avec mon ami, puisque c'est "toute" sa vie.

- Tu lui as demandé pourquoi il avait fait ça ?

J'ai pas tout comprit, mais je sais qu'il est pas tout jeune comme vampire, alors il n'a pas pu "oublié" son dîner et visiblement il savait comment faire puisque j'ai comprit que Sylvana était aussi son infant et il y en a encore au moins une autre... alors pourquoi ? C'est incompréhensible!
Si il veut arrêter d'en parler il saura bien me le faire comprendre, je n'en doute pas; en attendant j'en profite pour assouvir une certaine curiosité.

- Oui promis, je ferais attention.

Et je ne donne jamais ma promesse en l'air. Je suis peut-être confiante de nature, mais je n'en suis pas idiote pour autant.

Je souris évidemment quand il se sauce avec Silas sur son travail. Normal! J'en ferais autant. Je n'ai pas vraiment confiance en moi, en règle générale, mais je sais dire de certains de mes confrères quand j'estime qu'il y a un manque dans leur travail. Bien sur je ne leur dis pas en face, je n'ai pas ce courage.

- Oui je crois que je comprends ça. Fin, je veux dire que t'es pas le seul faire ça et quand on y réfléchit, j'crois que c'est normal, d'avoir certain "souvenirs" de sa vie humaine. Ca prouve que vous avez pas tant changé que ça au fond.

Oui, bon ok c'est plus profond chez certain que chez d'autre, mais c'est un peu rassurant je trouve. Chacun à encore une once d'humanité, ça veut dire que notre monde n'est pas totalement fichue. Preuve en est Rampa. D'après moi, il a sa part d'humanité. Même si techniquement lui ne l'a jamais été, mais bon cherchez pas, dans mon cerveau ça le fait, alors c'est que ça le fait, point!

- Nan ta soeur Adélaïde je vois très bien qui sait! Elle sait remise de notre entrevue ? Elle a du me prendre pour une folle quand j'y repense!

Je rigole. J'avais encore fait fort ce soir là. Mais il me semble qu'on s'était bien entendu, le reste je saurais pas dire. Il redevient sérieux et évoque sa fille. Mais elle est pas ? Ah bin non, juste après il me confirme qu'elle l'est pas, ou plus en tout cas. Bizarrerie ? Oui on peut dire ça comme ça en effet!

- C'est dingue! J'suis contente pour toi, enfin pour vous. Elle va bien ? Fin, c'est pas banal de revenir d'entre les morts, tu le sais mieux que personne!

Même si là c'est encore différent.

- Comment tu l'a retrouvé ?

Y a beaucoup trop de questions qui se bousculent dans ma tête, j'espère ne pas devenir désagréable ou quoi...

Je laisse à Inaya le temps de boire quelques gorgées de son thé, tout en réfléchissant très certainement à la prochaine question à me poser sur le sujet. Question qui ne tarde pas à venir, et pour être honnête, je ne prends pas vraiment le temps de la réflexion pour lui offrir ma version, mon résumé et pour le dire simplement, ma vision des choses.

"On a discuté, rapidement. Mais pour ne rien te cacher, je me moque qu'il m'ait transformé par erreur ou en pensant se débarrasser de moi à notre prochaine rencontre. Ce que je sais, c'est que j'ai du me démerder seul pour comprendre ce que j'étais devenu, apprendre à m'y faire, et vivre avec. J'ai fait de ma propre femme ma première victime, et ma propre fille a bien failli être la seconde. Tu vas peut-être me dire que j'ai la rancune tenace, mais j'ai pas besoin de ce type dans ma vie."

Je pose ma main sur la sienne l'espace d'un instant quand elle me répond avec la promesse de faire attention à elle. Je ne peux décemment pas lui en demander plus, alors je me contenterai de ce qu'elle accepte de me donner. Je hausse les épaules quand elle parle de mon humanité passée et des manies qui en restent forcément quelque part en moi.

"Si tu veux tout savoir, si on omet ce rapport forcément problématique avec le sang, pour le reste, j'ai pas l'impression d'avoir changé. Enfin, en trois décennies, si, forcément, comme tout le monde, mais tant que je ne laisse pas le prédateur remonter à la surface, je suis moi, tout bêtement. Rajoute que ma sœur est capable de se trancher la main en coupant du pain et il a fallu que je le gère de bonne heure, mon rapport au sang."

Je ris franchement quand elle me dit, concernant Adé, qu'elle a du la prendre pour une folle après qu'elle soit passée chez nous ce soir où l'idée était de savoir à quel point elle était futée, ou j'étais pas discret, ou un peu des deux sans doute.

"Disons qu'elle a arrêté de te surnommer "ta copine" un peu après qu'on se soit brouillés, toi et moi. J'devais pas avoir l'air aimable quand elle plaisantait sur le sujet, faut croire. Mais passons, j'ai pas envie de revenir là-dessus."

Je lui offre un sourire sincère qui va avec mon propos. Maintenant qu'on a trouvé un certain équilibre elle et moi, même si je ne serai totalement satisfait que quand la menace d'un démon ne flottera plus au dessus de sa tête, j'ai envie d'oublier qu'on a pu être moins que les amis que nous sommes depuis plusieurs années déjà, tout en laissant la part "insatisfaite de son sort" de mon être souhaiter ardemment que nous puissions être plus. Mais en toute sincérité, je ne lui souhaite pas de se débarrasser d'un démon pour avoir à supporter les humeurs d'un vampire. Même si, la connaissant, elle est fort capable de sortir avec un loup-garou un soir de pleine lune. Mais je garderai cette pensée pour moi, ça vaut mieux.

"Elle va bien oui. Enfin, faut avouer que c'est un peu le bazar dans sa tête, mais je crois qu'on peut dire qu'elle a des circonstances atténuantes. Même si j'ai pas les détails. Mais bon, c'est ma fille, elle pourrait avoir deux têtes que ça ne changerait rien pour moi."

Je réfléchis davantage à la question suivante, sur la façon dont on a pu se retrouver, Gwen et moi. Parce que s'il y a un concours de circonstances digne d'un imbroglio à dénouer, c'est bien celui-là. Elle est tenace ma fille, ça, on ne peut pas le lui enlever.

"Pour résumer, j'ai une dette envers Sylvana, et crois-moi que ça me brise les... que je n'apprécie pas l'idée. Mais elle l'a menée à Dante, et Dante l'a menée à moi alors... j'accorderai ce point à la vipère. Même si j'imagine qu'elle ne devait pas connaitre toute l'histoire, sinon, je doute qu'elle aurait aidé. Mais j'ai décidé d'être de bonne humeur aujourd'hui, alors laissons les anciens dans leur tombeau."

- Oui c'est sûr! Le contraire serait même surprenant en fait.

Je sais bien que ça doit faire ça à d'autre jeune vampire et que ça ne les empêche pas d'aimer leur vie, ou d'aimer leur "créateur", regardait Sylvana par exemple. Hors de question de s'approcher du commandant Tapes si on ne montre pas pattes blanche à son "lieutenant" avant. Elle n'arrive même pas à cacher véritablement ses yeux qui brillent toujours quand elle le voix. Pas comme une midinette de 16 ans amoureuse pour la première fois, plus comme de l'adoration ( ok ça fait ptet midinette du coup). C'est assez particulier comme lien entre eux c'est évident, même pour quelqu'un d'extérieur comme moi qui est loin de tout comprendre, d'avoir tout les tenants et aboutissants de l'histoire.

-Est-ce qu'elle t'aurait pas sauver la vie, en quelque sorte?

C'est plus une réflexion qu'une véritable question. C'est en tout cas ce que je comprends de ce qu'il me dit.
J'essaie d'être aussi honnête que possible avec lui et de retrouver ce lien d'amis que nous avions avant tout ça. Avant que je ne m'intéresse à lui (et que je croyais qu'il savait), avant que je m'intéresse à Rampa et que lui ne s'intéresse à moi, avant qu'il n'est peur pour moi et m'invite à le quitter. Oui avant tout ça nous avions des discussions plutôt banales d'ami à ami, même avant que je ne sois avec Rampa d'ailleurs.

Je suis réellement intriguée, subjuguée par le retour de sa fille (morte) parmi nous. De la curiosité mal placé ( je ne sais pas si c'est mal placée, peut-être), mais une chose est sûre c'est pas banale et je compte bien comprendre dans quelle situation se trouve mon ami afin de pouvoir l'aider au mieux lorsqu'il en aura besoin.
Je souris béatement quand il me dit qu'elle pourrait avoir deux têtes que ça ne changerait rien au fait qu'elle est sa fille tout simplement et qu'il l'aimera telle qu'elle est.

- Sylvana capable de générosité ? Oui y a forcément quelque chose de louche.

Je ne nierais pas que je ne l'apprécie pas trop, mais je ne doute pas qu'il y a du bon dans chaque être peuplant cette terre. Je suis en couple avec un démon, alors permettez moi de soumettre l'idée quand même. Je n'en serais pas là si je ne croyais pas en ça. Peut-être une infime partie de mon éducation catholique qui ressort qui sait.

- Pour Gwen, je ne doute pas un instant que tu seras là pour la soutenir et vous vous reconstruirez ensemble. Vous avez été plus de trente ans sans vous voir, c'est normal que ça prenne plus de trente minutes pour tout "réparer".

Je ne rebondit pas davantage sur le sujet Dracula, songeant qu'on en a suffisamment fait le tour. Cela dit, on se connait assez pour qu'elle sache jusqu'où elle peut aller sans que je ne la rembarre. A savoir, la concernant, assez loin en vérité.
A son commentaire sur Adé, en revanche, je relève le yeux vers elle, me disant qu'elle me connait peut-être encore mieux que je le pensais.

"Plus encore qu'en "quelque sorte". Quand j'ai perdu Gwen, j'comptais en finir. Simplement et efficacement. Mais j'comptais pas disparaitre sans prévenir mon père, pour Gwen, pour moi. J'ai pas trouvé mon entêtement sous le sabot d'une brebis, alors j'me doutais que ça serait nécessaire." Y repensant, pouvant presque revivre la scène, je suis traversé par tant d'émotions contradictoires que je finis par rire jaune, l'ironie du sort me frappant en pleine face. "Et alors que je venais lui apprendre le décès de sa petite fille et les envies de suicide de son fils, lui m'a précédé en me présentant cette maudite petite tête blonde avec ce regard..." Si mon regard s'embrume, je ne m'en rend pas vraiment compte, et pour tout dire, l'espace d'un instant, ce n'est plus Inaya qui se tient face à moi. "C'était une poupée, que j'aurai pu briser d'un mouvement trop brusque, et en même temps, je crois qu'elle m'a fixé si intensément qu'elle a dû voir jusqu'au plus profond de mon âme, s'il est possible pour un vampire d'en avoir une. J'aurai été incapable de lui tourner le dos après ça."

Je papillonne des paupières un instant, en revenant sur terre, pour chasser l'humidité résiduelle dans mes yeux. Je crois que je suis trop bon au jeu de la nostalgie, presque autant qu'à celui des remords et des regrets. Et peut-être aussi que faire cohabiter dans mon esprit la joie de revoir ma fille et la douleur de sa perte, ça m'a foutu le bordel dans les neurones, comme dirait l'autre. Enfin, le sarcasme de Inaya face à ma méfiance vis à vis des intentions de Sylvana ne fait pas de mal, croyez moi. De quoi me redonner le sourire. Je lui donne un mini coup de poing dans l'épaule par dessus la table, juste de quoi la bousculer un tout petit peu.

"Moque toi va. J'ai toujours appris à ne pas prendre le temps de demander sa carte d'identité au serpent avant de m'en méfier. Prendre une vipère pour une couleuvre peut être dangereux. Et à mes yeux, Sylvana ressemble davantage à une vipère qu'à une couleuvre." Je croise son regard, mon assurance retrouvée. "D'accord, toi t'es pas assez méfiante, et moi trop. Tu vois qu'on forme toujours une bonne équipe!"

Je lui offre un sourire aussi sincère que tendre quand elle me rassure sur le fait que Gwen et moi, on réussira à réunir les morceaux. Soyons honnêtes, pour un vampire qui a l'éternité devant lui, j'ai la patience difficile.

"Je l'espère sincèrement. ... Bon, et toi? T'as quoi à me raconter de beau? Et Marie?"