Une conversation civilisée? En sommes-nous encore capables? [ft Abraxas]

Une conversation civilisée? En sommes-nous encore capables?

Barabas & Abraxas

Assis sur le rebord du toit de l'immeuble le plus haut offrant une vue plongeante sur le gouffre qui perce le centre-ville de cette minable cité depuis plusieurs mois déjà, je laisse mes yeux bleus vagabonder dans le vide sans vraiment prendre conscience de ce qu'ils perçoivent, même si l'archer que je suis ne peut s'empêcher d'analyser le moindre mouvement qui passe dans mon champ de vision. D'ailleurs, dans l'obscurité croissante du soir, alors que le soleil a passé la frontière ouest de ce coin du monde depuis quelques dizaines de minutes à présent, je suis la trajectoire d'une paire d'ailes sombres à l'envergure bien trop grande pour être un vautour. Avec un sourire mauvais, ma main se glisse autour de mon arc, posé à coté de moi, alors que je songe sérieusement à m'offrir une paire d'ailes d'ange comme trophée de chasse. Mon autre main se glisse d'ailleurs dans mon dos pour retirer une flèche de mon carquois. Flèche qui vient bientôt prendre sa place sur mon arc, dont je tend la corde sans problème malgré ma position peu avantageuse pour le tir.
Je suis la trajectoire de l'être céleste jusqu'à déterminer le meilleur moment où tirer, au moins jusqu'à ce que je remarque que son vol s'est passablement ralenti, pour ne pas dire presque arrêté. Je ne connais qu'une seule chose qui fasse qu'un oiseau immobile ne tombe pas du ciel.

"Tu n'es pas drôle."

Je ne me retourne pas pour le saluer, ou même lui offrir le plaisir de m'abaisser à vérifier que je parle au bon démon. Tempus a très certainement mieux à faire que venir me pomper l'air, ou tenter de me cirer les pompes en pensant pouvoir me rallier à sa cause après que je me sois débarrassé de Azazel. Non mon frère, je ne compte pas m'allier à toi, plutôt prendre un bain d'eau bénite. Je me suis simplement allégé d'un poids, et tant pis si cela sert également ta cause. Je trouverai bien de quoi réparer ce tort.

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Une conversation civilisée? En sommes-nous encore capables?

Barabas & Abraxas

Il y a ces évènements insipides dont l'Enfer fait une pantomime, hurlant à qui veut l'entendre - ou pas - sans qu'on n'ait aucun besoin d'y prêter l'oreille. Comme la montée au pouvoir d'un nouveau diable. Un évènement pour certains, mais pour moi qui en ait vu défiler tant que je n'ai pas assez de doigts pour les compter, ce n'est qu'une liste de noms que je ne retiens pas, de nouveaux complots dans lesquels d'aucuns espèreront me voir intervenir d'une façon ou d'une autre, parfois en utilisant ce qu'ils considèrent comme les meilleurs moyens de pression qui soient. Mon frère? Je m'en passe fort bien. Mon cousin? Je doute que Cerbère revienne de lui-même dans ces tunnels pour son simple plaisir avant plusieurs siècles. Ma fille? Elle a su survivre à notre monde sans moi jusqu'à présent, je ne lui ferai pas l'affront de la prendre pour une enfant qui nécessite d'être protégée. Et on ne me fera pas l'affront de me croire assez stupide pour aller crier l'existence d'une faiblesse potentielle sur tous les toits. Bien que pour cela, je fais assez confiance à Barabas pour le faire à ma place, sitôt que l'information lui viendra aux oreilles.

Si c'est là la conversation que je compte avoir avec lui? Aucunement. Je préfère de loin obtenir des informations sur un évènement plus important dont l'Enfer a oublié de faire résonnance, et qui le concerne pourtant directement. La rumeur de la mort de Azazel a gonflé dans les tunnels d'au dessus, jusqu'à rendre les Drows étonnamment bruyants pour une fois. Et d'aucuns affirment qu'un certain démon de la peur n'est pas étranger aux faits, ce qui, il faut l'avouer, me perturbe un peu. Mon frère a bien des défauts, je le sais mieux que personne, mais je ne le connais pas traitre. Il hait à la folie, déteste passionnément, mais ne change que rarement d'opinion sur les gens.

Je le repère, à son habitude, au sommet d'un immeuble, assez proche du gouffre pour que des travaux de consolidation aient été engagés sur sa base, de peur de le voir tomber dans le trou à la suite d'autres infrastructures de la ville, et le rejoint en songeant qu'il serait plus simple à retrouver au fond des égouts. Arrivant sur le toit, dans son dos, je l'observe quelques instants, remarquant combien, derrière l'attitude bravache qu'il adoptera sitôt qu'il m'aura repéré, il me semble fatigué, installé comme il l'est, les épaules relâchées et la main presque hésitante sur son arc étrangement placé à coté de lui, comme s'il s'était posé la question de le balancer dans le vide. Avant qu'il ne s'en saisisse, visant une cible que je ne peux pas voir, trop éloigné du bord que je suis.

J'use de mon pouvoir sur le temps qui s'écoule autour de nous pour le ralentir, l'arrêter presque, nous offrant peut-être une bulle dans laquelle discuter un instant. Sans doute est-ce déraisonnable de croire que nous pouvons encore le faire, mais, une conversation tous les 500ans, est-ce vraiment tant demander?
A ses paroles, je me rapproche du bord, restant malgré tout en retrait par rapport à lui, pour avoir la même vision du monde que lui. Un céleste, rien que ça? Je jette un regard au démon toujours assis devant moi, songeant que, dans la situation inverse, il m'aurait probablement déjà poussé dans le vide.

"Si tu avais vraiment voulu tirer, il se serait écrasé dans la rue avant que je n'arrête le temps. Je ne t'avais jamais vu hésiter encore. Surtout face à pareille cible."

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