Mr le Maire a de nombreux projets pour cette ville. Certains appréciés, d'autres récriés. Certains louables et d'autres bien moins. Certains officiels, et d'autres bien plus officieux.
L'idée de cette soirée organisée à l'orée du soir de Noël n'est pas de lui, lui qui se moque particulièrement de la naissance d'un enfant né il y a plus de 2000ans, mais on lui a susurré dans l'oreille que cela pourrait faire du bien à sa popularité. Alors s'il faut se plier à cet exercice, soit. Et c'est dans son plus beau costume qu'il se présente en haut des marches de la salle des fêtes de la ville, privatisée sur ses propres fonds pour l'occasion. Une autre idée de simplicité pour se rapprocher des citoyens qui n'est pas de lui, mais soit.

Les poignées de main se succèdent bientôt alors que le gratin de la ville se mêle aux gens les plus simples, invités privilégiés de la mairie. Si d'aucuns jugent l'occasion inespérée de voir de près ceux qui restent d'ordinaire à l'écart d'eux, d'autres se demandent bien ce qu'ils sont venus faire ici. Enfin, le buffet est gratuit et il y a des cadeaux sous le sapin.

Sur mon 31, me voilà fin prêt pour cette soirée de Noël. En tant que capitaine de la police je me devais d'assister au bal organisé par le maire, celui-là même qui m'avait offert mon poste. J'étais loin d'avoir saisi quel personnage il était, mais une chose est sur, je me devais d'être dans ses petits papiers en tant que dirigeant, sans m'empêcher de travailler ses ennemis au corps si le vent venait à tourner, pour toujours être auprès des plus influents. Je n'aurais certes plus la place que j'occupais jadis, ni même avec un nid aussi important qu'il le fut, mais je voulais retrouvé une partie de notre grandeur et si ça en passé par être aux côtés de ce démon, alors soit.
Sylvana, ma plus fidèle alliée, à mon bras, nous nous engageons bientôt dans la rue principale, à bord de la limousine réservé pour l'occasion. Il ne nous faut pas longtemps pour atteindre la salle des fêtes. En haut des marches j'aperçois déjà Azazel, pardon M. le maire devrais-je dire. Je descends et offre mon bras à celle qui m'accompagne depuis si longtemps déjà. Elle est resplendissante dans cette robe, j'ai de la chance de l'avoir à mes côtés. Nous montons enfin les marches jusqu'au maire.

- Bonsoir M. le maire. Ravi de vous revoir ! Il paraît que tous sont invités, même le bas du panier. Je baisse le ton de ma voix et m'approche un peu de lui avec le haut du corps. Vous avez toute mon admiration pour accepter une telle concession pour votre fête, j'en aurais été incapable !

Je suis censé faire bonne figure ce soir. Heureusement que Sylvana est là, elle peut-être aussi froide que le marbre mais en cette occasion, elle saura être plus subtil que je ne le suis parfois.
Si je passais du temps avec le peuple ? En tant que chef de la police il le fallait bien, pour le travail, mais en dehors c'était une autre histoire. Je devais déjà joué de concert avec l'infant de Mina et sa "famille" il ne fallait pas trop m'en demander non plus.

- D'aucuns diront que vous préparez les prochaines élections. dis-je un sourire en coin, avant de me reculer de nouveau pour laisser un certain espace entre nous pour une discussion plus ordinaire.

Ce soir, j'ai remplacé mon éternel manteau à capuchon par une robe noire assortie au costume de celui qui serait mon cavalier pour cette soirée. Si j'ai avancé le concernant? Mouiiii...nan. Enfin, il arrive à passer 24h complètes sans parler de Mina ou du départ totalement imprévisible de Anastasia, ce qui est un bon point.
Je ne considèrerai pas comme une victoire personnelle le fait qu'il m'ait proposé de l'accompagner à cette soirée, qui promet d'être aussi dangereusement ennuyeuse que nombre de celles dont Anton et moi finissions immanquablement par nous éclipser pour trouver activités plus divertissantes avec lesquelles occuper notre temps. Si il me manque parfois? Plus souvent que je ne me l'avoue moi-même. Même si la présence de Vlad, nouvellement revenu d'entre les morts, officiellement, aide à me changer les idées. En fait, cette soirée est une très bonne idée.

Je finis de me mettre en beauté, finissant par demander un coup de main à mon créateur pour remonter la fermeture de ma robe dans mon dos. Si j'en profite pour apprécier quelques instants la sensation de ses doigts effleurant ma peau? A peine. Ok, beaucoup!

C'est à pied que nous rejoignons la salle des fêtes, et je remercie une fois de plus ma nature de me faire tolérer une telle marche en talons - chaussures inconfortables s'il en est -, pour être accueillis par son ex-majesté des enfers en personne. Mouais, j'ai connu pire comme démon. Enfin, ce que je veux dire c'est, elles sont où les cornes? Les yeux rouges? Encore un qui se dit démon pour se donner mauvais genre. Enfin, je m'en fiche, je suis plutôt bien là, accrochée au bras de Vlad comme je le suis. Enfin, ça, c'était jusqu'à ce qu'il fasse montre de moins de diplomatie que le souvenir qu'il m'en a laissé par le passé. Je lui envoie un coup de coude dans les cotes pour lui signifier mon désaccord avec ses paroles et prendre le relai.

"Ce que Vladimir essaye de vous dire, c'est que cette soirée semble particulièrement réussie. Et que vous avez notre soutien dans votre campagne à venir, bien entendu. Mais vous avez certainement d'autres invités à accueillir, alors, allons faire honneur au buffet. Tu viens?"

Je lance un regard qui ne demande pas de refus à Vlad, espérant l'éloigner de la conversation qu'il semble vouloir continuer avec le maire.

Si j'ai hésité à venir jusqu'ici? Bien sur. J'avais d'autres chats à fouetter, et j'aime autant rester à distance des soirées mondaines organisées par Azazel. Mais d'un autre coté, observer ce qu'il mijote permet d'être prêt à le voir venir quand ce sera nécessaire. Je me suis donc habillé pour l'occasion avant de me rendre jusqu'à la salle des fêtes à l'aide d'un taxi puant le chat mouillé. Si j'aurai pu songer à m'acheter une voiture depuis le temps que je suis ici? J'en ai une. Mais j'ai appris à ne l'utiliser qu'avec parcimonie dans les rues encombrées de Chicago, surtout en période de fêtes.

A mon arrivée aucun tambour ni trompette. Je n'en attendais pas vraiment. Je jette un regard à Azazel, attendant qu'il me remarque pour détourner les yeux vers le reste du décor. Il est normal que le loup dans la bergerie sache que le chien du berger est aux aguets. Bien qu'en matière de chien, je connaisse un démon plus adapté à la situation que moi.

Les vampires qui sont dans son sillage? Je ne les connais ni d'Eve ni d'Adam, mais j'imagine qu'il ne s'agit pas des rejetons des nids du coin, pour qu'il les trouve intéressants. Je ne vais bientôt plus me suffire à moi même pour surveiller chacun de ses alliés... et hormis Cerbère, vers qui me tourner? Savage? Lolth? Le premier est un gamin qui n'a pas besoin d'attirer l'attention sur lui et ses pouvoirs, et la seconde suit bien trop ses intérêts pour être digne de confiance. Si je n'ai pas confiance en Savage? Si, plutôt, et si les voyageurs temporels sont rares, ceux qui ne font pas n'importe quoi avec leurs pouvoirs sont plus rares encore. Voilà pourquoi je souhaite préserver ce jeune de l'influence néfaste de cet ex-roi des Enfers désabusé qui espère encore récupérer ce qui n'est plus à lui.

Bref, plutôt qu'attacher quelque importance à Azazel, je tâche de mettre la main sur son acolyte, qui doit être tapi dans l'ombre... ou bien à tromper son monde en pleine lumière.

J'avais enfin obtenu la permission de minuit de la bouche de ma chère maman (elle serait là avec Paul de toute façon) pour me rendre au bal organisé par le maire auquel mon arrière arrière ( et j'en passe) grand-père nous avait invité mon père, Max et moi. Je me suis permise d'inviter Teha, je ne voulais pas me retrouver seule avec uniquement des adultes avec qui ne pas parlé, dans ces soirées là les "adultes" se pensent toujours obligé de nous jugés, de venir aux nouvelles des notes scolaires ce genre de discussion qui ne me plaît pas des masses, pourtant je me défends en cours, mais j'ai pas spécialement envie d'en parler non plus.
Lorsque j'arrive, avec Paul et ma mère, il y a déjà pas mal de monde, quelques uns que je connais et la grande majorité que je vais soigneusement évité, le gratin de la ville très peu pour moi. Je passe mon chemin dès que j'aperçois le maire et part à la recherche de mon père et des autres Abraxas, en laissant ma mère derrière qui me demande de ne rester plus de deux minutes avec elle et Paul qui lui sourit tendrement en lui rappelant que je n'ai plus cinq ans. Teha n'étant pas sure de venir, elle me devait m'envoyer un message si jamais elle avait pu se libérer, donc en attendant son message je n'avais rien de mieux à faire.
Je longe le buffet en regardant en détail chaque personne présente pour essayer d'y dénicher ceux que je cherche, non sans attraper au vol quelques canapés préparé avec soins pour nous. Le premier dans lequel je mord est au saumon ... un délice.

J'ignore qui de Abraxas ou Dante je vais tuer le premier. Ok, rapport aux liens que j'ai avec chacun d'eux, Abraxas paiera en premier. Pourquoi? Parce que ça, c'est clairement pas le monde dans lequel je vis. Et Dante là-dedans? Lui m'a tanné pour que je m'habille "correctement". Non mais lui, en costume, il est plus qu'élégant. A tomber même. Moi je me sens plutôt comme une chenille coincée dans sa chrysalide. Nan pis la dernière fois que j'ai mis un costume, ça date de... trop long pour que je m'en souvienne. Ok, ça regarde que moi, surtout. On a parlé d'une fête, pas d'une dépression.

Si je suis seul présentement? Mon cher et tendre avait un truc à voir au bureau, mais j'escompte bien qu'il ne m'abandonne pas toute la soirée. Et puis, je ne serai pas sans tomber sur une connaissance en attendant, même si j'apprécierai que la première que je croise ne soit pas âgée de plusieurs centaines d'années. Je me dirige donc vers le buffet, me disant que c'est la meilleure place pour trouver les gens qui ne savent pas où se positionner là-dedans. les grands pontes de la ville, assez peu pour moi.

Et sur qui je tombe, près du buffet? Une princesse. Pardon, ma fille. Techniquement, ma princesse, mais c'est un autre débat. Elle est juste... trop belle, va falloir que je songe à l'enfermer dans une tour.

"Elaine? T'es... Whoaw!"

C'est dans des moments comme ceux là que je remarque qu'elle n'est plus la petite fille dont je n'ai pas assez profité quand elle était enfant. Jusqu'à présent, elle me laisse assez bien rattraper le retard dans notre relation, mais un jour ou l'autre, elle aura mieux à faire que passer du temps avec son vieux père... bon, on a dit non à la dépression, bazar de zut!!

"Je pensais que ta mère t'enfermerai à triple tour dans ta chambre pour empêcher quiconque de dérober notre trésor..."

Elaine, la seule et unique raison qui peut me faire prononcer un éventuelle "nous" concernant Claire et moi. Il y a longtemps que c'est révolu, et honnêtement, son crétin d'avocat n'a aucune crainte à avoir me concernant, c'pas moi qui vais essayer de la lui reprendre. Il m'en a fallu des histoires d'un soir pour le comprendre, mais je suis passé à autre chose.

De base, cette soirée, c'était l'occaz pour moi de me faire de la tune en baladant deux ou trois richards n'ayant vraiment pas envie de perdre trois heures à chercher une place de parking pour leur Porsche. En vrai, ça a été une bonne soirée. Le truc avec ce type de gens, c'est qu'ils pensent pas à demander le prix de la course avant de monter... donc une fois arrivé, c'que du bonheur. De quoi se payer quelques paquets de croquettes pour les prochains mois.
Pis y s'trouve que tout le monde a fini par arriver alors le taxi s'est vidé. Bop, entre passer la soirée à argumenter avec Toulouse et Berlioz sur qui va réussir à grimper en haut de l'armoire qu'ils vont encore me foutre par terre et aller trainer chez les bobos de service, j'vais m'amuser une seconde.

Et c'est à quatre pattes que je passe la porte restée ouverte, me faufilant à travers les paires de jambes jusqu'à grimper l'escalier le plus proche. Une fois installé sur une marche en hauteur, je passe la tête à travers les barreaux de la rampe pour regarder la foule en contrebas, tentant de repérer des têtes connues. Et de têtes connues, j'en repère rapidement deux ou trois. Je m'élance en sens inverse, dans la descente de l'escalier, avant de courir pour aller me frotter contre les chevilles de l'une d'entre elles. Laquelle? Celle qui voudra bien me dire bonjour.

Ce qui est extraordinaire, c’est ma facilité à me mouvoir parmi les êtres appartenant au haut peuple, ceux qui ont un pouvoir électoral … allez savoir si cela sera pour cette année, mais qu’ils s’attendent un jour à me voir sur les listes électorales pour détrôner l’imposteur qui y siège actuellement. Je me délecte de suivre la bref conversation entre Azazel et le vampire qu’il m’a été donné de croiser au marché aux fées … qui l’eut cru que cet énergumène prendrait une telle place dans ma vie …  un autre homme de pouvoir à son insu puisque s’il gagne en confiance avec ses employés du commissariat, j’ai tout intérêt à me les mettre dans la poche également. Comme un paon, je me pâme et pour cause … ma parure est des plus belles ! Une femme d’une beauté extraordinaire, d’une douceur inégalable et qui reste à mon bras timidement, échangeant quelques discret regard pour le moment.

« C’est ton patron le v… l’homme qui vient de parler à Mr le Maire ? »

J’ai failli lâcher « le vampire », ce qui n’aurait pas été très pertinent vu comme mon flaire m’indique la présence d’une multitude de ces êtres ce soir …vermine ….

L'odeur de la fierté vient à mes narines avant que la voix de l'homme ne parvienne à mes oreilles. Vladimir Tapes, le seul et unique, léchant à présent mes bottes comme un toutou bien dressé qui pense avoir assez de laisse pour se croire libre. J'offre un sourire de circonstances à ses paroles, hautaines à souhait, avant de lui répondre d'un air détaché.

"Il faut parfois se soumettre à quelques sacrifices pour une plus noble cause, très cher. Vous apprendrez qu'il faut parfois s'abaisser au niveau de la populace pour lui plaire."

Si je prépare les prochaines élections? Je ne le nierai pas, à condition que l'on vienne me le demander en face. Pour ceux qui n'en auraient pas le courage, je me contente d'apporter un peu de joie au peuple au milieu d'une année si sombre... n'est-il pas vrai que les récents déboires de la police locale ont causé bien des tords aux simples citoyens qui habitent cette ville? Il me semble être de mon devoir de leur occuper l'esprit ailleurs... et du sien d'y remettre de l'ordre.

"Le tord serait de la penser gagnée d'avance, j'imagine. Mais j'imagine également que vous avez l'intention de réparer les erreurs de votre prédécesseur... ce qui, ne nous le cachons pas, m'apporterait un réel soutien de votre part."

Mon regard soutient un instant celui de la femme à ses cotés, apparemment bien pressée d'aller voir ailleurs si elle s'y trouve. Un rictus insatisfait apparait sur mes traits l'espace d'une seconde alors que l'un de mes conseillers m'interpelle, s'inquiétant de la situation, me forçant à relâcher son regard en premier. Ces humains. Comme si j'étais assez peu civilisé pour provoquer une esclandre ici et maintenant... Je me garde cependant en mémoire d'en apprendre davantage sur cette vampire. Sa présence au bras de l'ancêtre des videurs de sang, ainsi que l'assurance des anciens qu'elle dégage, me prennent au dépourvu, et je déteste être pris au dépourvu.

"Soyez brefs, j'ai d'autres invités à saluer entre deux de vos interruptions fort mal avisées..."

Pas dans le style de l'évènement avec ma veste en cuir et mes cheveux clairement brossés à la serviette? Ca tombe bien, je ne suis pas là pour m'amuser, mais pour le boulot. Je sais, je sais, à force d'être partout où devraient être les agents de police de cette ville, je devrais postuler au commissariat. Honnêtement, j'y ai parfois pensé. Mais on forme une bonne équipe, avec Dante. Et les récents changements dans l'administration du commissariat ne sont pas pour appuyer ma volonté d'être salarié. Mon problème avec Dracula? Honnêtement, aucun. J'en ai strictement plus rien à faire qu'il soit à l'origine de ma malédiction, et je ne veux surtout rien avoir à faire avec lui et son petit clan. J'fais pas partie de sa "famille", je suis qu'un type qui a croisé sa route un jour où il avait besoin de planter ses crocs dans quelque chose. Non, mon souci avec la nomination de ce type, c'est l'étroite relation qu'il semble entretenir avec le maire. Enfin, passant à coté d'eux, je me contente d'un salut poli avant de poursuivre mon chemin, ne prenant guère attention à l'autre vampire du trio.

L'arrivée d'autres personnes joue bien davantage sur mes émotions, et je me contente d'un regard vers l'objet de mes attentions, aujourd'hui jalousement gardée par un autre, avant de profiter de la foule pour disparaitre, à la recherche de sujets plus intéressants à observer. Si elle n'est pas intéressante? Oh si, bien trop, et je reste convaincu du mal-fondé de sa relation avec l'autre piniouf d'avocat, mais la seule chose que je peux faire aujourd'hui, c'est espérer que mes mises en garde à son sujet - qui sont très certainement passées pour de la jalousie à l'état pur au premier abord - sauront trouver oreille attentive avant qu'il ne soit trop tard. Focus Silas, t'es censé rester à l'affut du moindre problème avant qu'il ne se produise...

Contrairement à une partie de ceux qui ne savent que faire là et se dirigent vers le buffet, je prend la tangente en me mêlant aux quelques notables de la ville, laissant mon ouïe affutée faire le reste. Si les meilleures conversations sont au buffet? Un vampire près d'un buffet, cherchez l'erreur.

Ah... Noël et ces galas... Un bon moyen de gratter tranquillement nourriture et boisson. Et de rencontrer des gens qui ont souvent un peu trop de babioles dorées sur eux. Le plus dur en général, c’est de se faire inviter. Mais là, c’est dans la salle des fêtes. Un lieu public. Et qui dit lieu public, dit issues de secours. C’est moins compliqué qu’il n’y paraît, de s’y glisser. Il y a toujours les serveurs qui sortent prendre une pause ou fumer une clope. Et après...

Bon après, on repassera sur la tenue. J'ai certes une robe, mais rien de bien somptueux par rapport à ce que je vois... Je passe machinalement une main dans ma crinière, pour essayer de la discipliner, avant d’abandonner. Tant pis pour le style... Pas que j’y accorde une quelconque importance en ce moment, mais pour se fondre dans la populace, c’est pas ce qu’il y a de mieux. On verra bien si quelqu’un me demande de dégager durant la soirée. En attendant, je vais profiter. Picorer –beaucoup- d’amuse-bouches et boire. Monopoliser le buffet quoi. Surtout que les gens, ils sont vachement moins attentifs quand ils se pressent pour aller choisir leurs petits-fours. C’est plus simple de leur piquer un ou deux trucs. Surtout les mecs. Les poches de costard, c’est des passoires.

Punaise... Ça pourrait faire un slogan ! Je suis quasi certaine que j’ai dû avoir un micro-sourire débile pendant quelques secondes en imaginant une pub l’utilisant.

Notez bien que je fais ça juste pour la mini-décharge d’adrénaline. De piquer des trucs hein, pas d’imaginer des pubs débiles. Ça fait bien longtemps que j’ai plus besoin de voler pour vivre.

Bref.

Mangeons et buvons. Et regardons ce qui se passe aussi. C’est toujours intéressant ces galas avec le gratin de la ville. Bon, ça fait pas bien longtemps que j’ai atterri à Chicago –par erreur-, mais je suis sûre d’avoir repéré le maire. C’est plutôt simple : suffit de voir de qui les gens essayent d’attirer l’attention. Pas une place que j’envie. Devoir écouter les doléances des gens et avoir l’air de s’y intéresser... Passons. Le reste des invités semble s’être mis sur son 31. Robes longues, costards à gogo... Ahah ! Il me semble avoir aperçu une veste en cuir du coin de l’œil. Eh bien, au moins je suis pas la seule à être mal sapée pour l’occasion.

J’attrape une mini-pizza qui me fait de l’œil, avant de me faire servi un cocktail léger. Reste plus qu’à trouver comment s’occuper pendant que je dîne, et la soirée sera parfaite !

Alors que je longe le buffet, je tombe sur mon père. Il semble réellement surprit de me voir. Ok je n'ai peut-être pas assez communiqué sur cette soirée ou j'espérais de toute façon ne pas rester. je savais que des potes avait prévu autre chose et je comptais trouver un moyen ou un autre pour y aller moi aussi. Mais pour l'heure, savoir que mon père était là me réchauffait le cœur et me donner un peu moins envie de fuir droit devant. Je sens soudain quelque chose à qui se frotte à mes jambes... Un chat blanc. Je souris et me baisse rapidement pour le prendre dans mes bras... Ses yeux ?! Je jurerais que ce sont les mêmes que ceux d'un certain lion blanc croisé en ville il y a quelques mois de cela, mais je n'en suis pas certaine. En le revoyant plus tard au taf à mon père pour Halloween il me semble avoir entendu comme quoi il était sourd quand il se transformé, mais j'ai pas vraiment de moyen de vérifier et puis il devrait pas se transformer à la vue de tous, donc je sais pas trop.

- Papa, tu crois que c'est ... Jack ?

Je hausse un sourcil en regardant un coup le chat et un coup mon père. Je finis par le reposer. Pas sur qu'il kiffe d'être pris comme ça dans les bras, peut importe que ce soit un vrai chat ou un métamorphe. Puis bientôt c'est Silas qui fait son apparition dans mon champ de vision.
Il me tourne le dos, mais je suis sure que c'est lui. Vous savez il a ce petit truc... non j'en sais rien enfaites, mais j'en ai la certitude, me demandez pas pourquoi.

- Bonsoir Silas, vous allez bien ?

En me dirigeant vers lui, je ne fais pas vraiment attention à la jeune femme qui se dirige vers nous avec un cocktail et un morceau de pizza entre les mains et lui rentre dedans.

- Oh je suis vraiment désolée, je ...

Je, je ... quoi Elaine ? Bon sang réveille toi! Fais un peu attention à ce que tu fais! Je me fatigue des fois, je vous jure.

Sylvana, à mon bras, se met à parler, non sans m'avoir mit un coup de coude dans les côtes qui en aurait coupé le souffle des plus téméraires. Elle n'est pas ce genre de femme à rester en retrait de son cavalier, et j'en suis fort aise. Je souris en mon fort intérieur. Je suis on ne peu plus fier d'être à son bras aujourd'hui. Je ne me lasse jamais de sa présence, de sa conversation. La revoir à était un tel bonheur... après tout ce temps, je n'y croyais plus et elle est arrivée, dans mon champ de vision, dans ce restaurant où elle est serveuse. Elle a selon moi plus de classe que cela, mais ça avait l'air de lui convenir, je ne jugerais pas, pas elle. Je souris tout simplement à ses mots.

- Oui tu as raison Sylvana, nous vous avons assez mobilisé M. Le maire. Nous nous reverrons surement au cours de la soirée.

Je le salue et nous voilà partit vers le buffet. A croire que c'est le lieu de rencontre de tous les gens dans le coin. Il y a quelques humains par ci par là, mais ce soir je me rends compte de l'ampleur de créatures surnaturels dans cette ville. J'ignore qui est qui exactement, mais ça sent le surnaturel à plein nez ça oui c'est évident, même pour moi. Il y a pourtant un homme que je reconnais. Je ne le connais pas vraiment, mais nous nous sommes rencontrés dans son hôtel, lorsque je suis arrivé à Chicago voilà quelques mois. J'étais même chez lui lorsque j'ai retrouvé la femme à mon bras ce soir.

- Sylvana, j'aimerais te présenter quelqu'un!

Je me dirige donc vers lui. Au passage je prends deux coupes de champagne sur un plateau porté par un serveur. Je lui tends le premier, trinque avec elle et bois une gorgée, avant de reprendre ma route.

- M. Savage, bonsoir. Ravi de vous revoir. Sylvana laisse moi te présenter M. Savage, l'heureux propriétaire du Pandémonium. Sylvana Vladyslavivna ma plus fidèle alliée, d'aussi loin que je m'en souvienne...

Inutile de finir cette phrase, je me souvenais d'avoir évoqué avec lui, un soir au bar, une ou deux péripéties d'une époque révolue. Une fois les présentations faites, je poursuis :

- Comment se porte les affaires ?

Pas du genre de ces bécasses qui attendent la bouche en cœur que ces messieurs daignent cesser leurs bavardages. Y a pas plus bavard qu'un homme, pour peu qu'il trouve un sujet intéressant sur lequel débattre. Alors parfois - souvent - faut leur donner un coup de main pour qu'ils arrêtent la causette.

Enfin, je parviens à arracher Vladimir de sa conversation, prenant congé du maire d'un sourire avant de me laisser entrainer vers le buffet. Du moins, jusqu'à ce qu'il ne repère une de ses connaissances et souhaite me la présenter. Un serveur à notre portée se voit soulagé de deux coupes et nous portons un toast, rapide certes, mais bien suffisant pour me laisser le temps de croiser son regard couleur d'océan. Un regard que je ne me lasse pas d'observer encore et encore, et dans lequel je saurai me perdre sans l'ombre d'un remord. Je bois une gorgée d'un liquide qui n'a aucune chance de me mener à l'ivresse avant de le suivre de nouveau, pour rejoindre l'homme qu'il ciblait depuis le début.

"M. Savage."

Je lui tendrais bien la main pour le saluer, mais ma gauche est prise par mon verre, et ma droite ne risque pas de lâcher le bras de Vlad. Il devra donc se contenter de mon sourire. Il est beau mon sourire, non? Moi je trouve. En plus, j'ai saigné personne aujourd'hui, donc aucun risque de résidu d'hémoglobine entre les dents.

"C'est donc lui le fameux tenancier d'hôtel? T'aurai du me dire qu'il ressemblait à ça, j'aurai peut-être bien pris une chambre..."

Si je met les deux pieds dans le plat? Avouez qu'on en ferait bien son dessert. Mais en vérité, sa réaction m'importe moins que celle d'un autre. A quoi tu t'attends Sylv'? A de la jalousie peut-être? Il a encore Mina en œillères alors voir plus loin, oublie.

Elaine remarque un chat blanc occupé à se frotter contre ses jambes, et honnêtement, des chats blancs qui s'incrusteraient dans une soirée mondaine, j'en connais pas cinquante. Alors j'ai pas besoin de l'examiner en détail pour avoir la même intuition que ma fille. C'est Jack. Clair et net.

"Fais voir."

Je récupère le chat qu'elle a reposé à terre, l'attrapant par la peau du cou, content ou pas. J'suis pas cruel envers les animaux, il est pas assez lourd pour que ça y fasse réellement mal. Pas le premier chat que j'attrape. Elaine se dirigeant vers Silas, je prend le temps d'une conversation entre quatre yeux avec ce fameux chat, même s'il a l'habitude de dire que sous cette forme, il n'entend rien du tout. La cécité c'est parfois pratique.

"T'as pas bientôt fini d'en profiter pour regarder sous les jupes des filles?" Le jour où tu vas te faire choper par la fourrière et castrer sans qu'on te demande ton avis, faudra pas venir pleurer. Tu me dira, j'pourrai me mettre dans les frais pour toi, ce qui est fait n'est plus à faire."

La voix de Elaine me fait quitter le chat des yeux pour la chercher du regard. Me contentant cependant de rester à ma place, surveillant de loin. Faut que j'arrive à me mettre dans le crâne qu'elle n'a plus huit ans, et donc qu'elle peut gérer toute seule certaines situations... enfin, je reste pas loin quand même, mes vieux réflexes de trainier me disant que toute situation peut dégénérer rapidement.

Je pouvais pas mieux tomber que sur ma petite sorcière préférée, alors, malgré que la sensation de se faire attraper sous le ventre pour voir le plancher prendre soudainement de la hauteur n'est pas hyper agréable, je l'accueille d'un concert de ronrons, frottant ma tête contre sa veste avant de jeter un regard perçant en direction de Nathan. Concernant cette soudaine démonstration d'affection envers sa fille? Je suis un chat, et sous cette forme, j'ai les réflexes qui vont avec. Ne lui en déplaise.

Elle finit par me reposer au sol, et c'est au tour de Nath de m'attraper, d'une façon bien moins agréable. Eh, se faire choper par le cou, c'bon pour les chatons. Ça tire!!! Je me débat jusqu'à ce qu'il ai l'idée de mettre sa main sous mon ventre pour me caler. Ce qu'il raconte? Aucune idée. C'moi le sourd et c'lui qui entend pas quand on y dit que j'entends rien sous ma forme de chat... Y a des fois, il est mal allumé ce sorcier de pacotille!

Je lâche un feulement avant d'user des griffes de mes pattes arrières pour me dégager de sa poigne, tombant maladroitement à terre sur le flanc - le "tourné en vol"? J'le tiens pas franchement celui-là, je suis un lion de base, c'loin d'être la même souplesse - avant de filer entre les paires de jambes pour retourner m'installer sur l'escalier, passant la tête à travers les barreaux de la rampe. Si je compte conserver cette forme toute la soirée? Non, mais on ne se soucie pas d'un chat.

Les conversations mêlées forment une sorte de brouhaha inintelligible, mais j'ai cette ouie insolemment performante qui me permet de séparer celles qui m'intéressent de celles que je ne veux pas entendre. Me concentrer sur une seule voix plutôt que sur toutes, changeant de cible lorsque je me rend compte que la conversation ne concerne que la couleur des rideaux de l’hôtel de ville ou le compte en banque de tel ou tel homme important de la ville.

Ma concentration faiblit cependant quand une voix m'appelle directement, et je me retourne dans sa direction pour découvrir qu'il s'agit d'Elaine. Je m'apprête à me diriger vers elle pour la saluer en retour quand la scène semble se passer plus vite que je ne peux la voir sous mes yeux. Sensation étrange quand vous êtes pourtant capable d'aller bien plus vite que la plupart des gens ici présents.

Je me rapproche des deux jeunes femmes, trop bon seigneur à l'habitude, vérifiant rapidement que tout le monde va bien avant de poser la question, plus par réflexe que pour une utilité quelconque.

"Elaine! C'était une belle collision. Pas de casse?"

A une autre, j'aurai certainement suggéré que c'était ma vision qui lui avait fait cet effet là, mais Elaine est un peu jeune pour supporter les vannes douteuses d'un type ayant cinq fois son age. Même si j'en parait deux fois moins. La "joie" d'être vampire. D'accord, je ne vais pas me plaindre d'avoir encore la vigueur de mes trente ans, mais parfois, je me demande où j'en serais si je n'avais pas croisé cette malédiction sur ma route. Bref, je me rend compte que si la jeune sorcière sait qui je suis, ce n'est pas le cas de tout le monde.

"Pardon, j'en oublie les bonnes manières. Je suis Silas."

Je lui tend une main, glaciale, pour la saluer, sentant déjà venir l'exclamation habituelle. Oui, j'ai les mains froides, c'est comme ça, j'y peux rien.

Apparemment, je vais commencer la soirée par une bousculade en bonne et due forme. Sérieux, peuvent pas regarder où ils vont les gens ? Et ne commencez pas à me dire que je suis aussi en faute parce que je l’ai vu débouler, la gamine, et que j’ai rien fait. Si je suis imbuvable ? Ouais. Un peu. Mais j’ai décidé d’être grande dame en ce réveillon. Appelez ça la magie de Noël ou je ne sais pas trop quelle connerie mièvre qui vous passera par la tête...

Bon en vérité, c’est juste qu’elle a l’air toute choupette. Et sincèrement désolée. C’est pas de la comédie, ce qui est rare dans le milieu dans lequel j’évolue. Rien que pour ça, l’histoire mérite un non-lieu. Même si je m’amuse à la foudroyer du regard trois secondes, parce que ça me fait marrer de la voir totalement désemparée. Imbuvable. Je vous avais prévenu. Puis passé les quelques secondes du « je vais te maudire sur 14 générations », je me mets à rire. Je la sens bien cette fille et mon instinct m’a rarement trompé.

- T’excuses pas, c’est rien.

Je jette un rapide coup d’œil vers là où elle se dirigeait. Ok. Le type avec une veste de cuir sur le dos. Bel homme. Je sens une connerie me glisser sur le bout de la langue. Est-ce que je la retiens ? Mais pas du tout !

- Moi aussi j’aurais été distraite à ta place.

Rien à péter qu’elle soit jeune. C’est pas comme si à son âge ça papotait pas mecs entre copines. Ouais parce que bon. Je vous dis gamine, mais c’est seulement parce qu’elle a moins de la vingtaine hein. En vrai, elle doit avoir quoi... 16 ans ? Ça parle garçon, je vous le dis ! Après, est ce que je suis désolée de potentiellement la mettre mal à l’aise ? Pas du tout.

Je bois une gorgée de mon cocktail alors que l’homme en question se rapproche de nous. Bel homme comme je disais, mais allez savoir pourquoi, j’ai un frisson qui me remonte le long de la colonne vertébrale. Je suis pas superstitieuse hein, mais si la gamine –Elaine apparemment- m’a fait bonne impression, je peux pas en dire autant de ce type. Je dirais que je suis mitigée. Vous savez, ce genre de situation où vous ne savez pas vraiment si vous devez rire ou pleurer ? Bah là c’est pareil mais avec un enjeu différent. Ça serait plutôt, je dois fuir ou rester ? Et bien, vu qu’il me tend la main tout en se présentant, je dirais rester et se méfier. J’englouti rapidement ma petite pizza, histoire de me libérer une main avant de saisir la sienne, glaciale.

- Ghilian.

Ouais. Pas « d’enchantez de faire votre connaissance ». Les bonnes manières, c’est pas ma came. Cela veut pas dire que je tire la gueule non plus hein. Je lui souris même chaleureusement, mais je peux pas m’empêcher de faire un commentaire :

- Moi qui croyais être un petit glaçon, il semblerait que j’ai trouvé pire que moi.

Là, vous voyez, les bonnes manières, c’est pas mon truc. D’autant que je crois pas l’avoir lâché du regard depuis qu’il s’est approché. Bah, tant pis, si on me fait une réflexion, je dirais que c’est son charme ravageur qui m’empêche de le quitter des yeux. Pas seulement une putain de curiosité qui me pousse à savoir pourquoi il me fait une drôle d’impression. Ça se trouve, c’est juste que c’est un flic ou un truc du genre. Rarement de bon feeling avec eux. On se demande pourquoi tient... Oh puis zut, rentrons dans le vif !

- Juste comme ça, rassurez-moi... vous êtes pas flic ?

Voilà. Comment achever les bonnes manières à coup de pelle. Comprenez-moi, je suis pas sadique. Les voir agoniser, ça m’était insupportable... Maintenant, problème résolu ! Je reprends une gorgée de mon cocktail –délicieux soit dit en passant- attendant ma réponse et en ayant partiellement oublié qu’à la base, c’était la jeune fille à côté de moi qui voulait lui parler.

Cette après midi, j'hésitais encore à me rendre à la soirée. Je sais qu'Elaine y serait et donc que je ne serais pas seule. Sauf que j'avais pas mal de choses à préparer pour l'école et j'avais de base prévue de passer ma soirée à étudier. Ouais mais... J'étais vachement curieuse à l'idée de participer à cette évènement festive. Ce serait l'une de mes premières !
. . .
Ai-je vraiment besoin de dire mon choix ? J'envoie vite fait un message à Elaine de ma venue et je me rend directement à la salle des fêtes de la ville.

Me voilà maintenant en tenue de soirée au milieu des gens, en train de gober pour la sixième fois une petite tartine au saumon. C'est que c'est vachement bon ce truc !
Et puis, je ne me cache pas que ça m'aide un peu à calmer mon léger stress. Etre entouré de visages inconnus est l'une des dernières situations que j'aime vivre. Justement c'est pour ça que je jette toutes les quinze secondes un regard autour de moi en cherchant Elaine. C'est pas que j'aime pas l'ambiance hein... Mais, quand on connait personne... On se fait vite chier.

Je vais vers le buffet pour me prendre cette fois-ci un jus d'orange. Puis regardant pour une énième fois vers la foule. Je trouve par miracle des cheveux qui m'étaient bien familiers. Sans hésiter, je m'avance vers elle. Je lui souris, trop heureuse d'avoir trouver de la compagnie et en particulier ma meilleure amie.

- Elaine ! Tu vas bien ?

Puis je me rends enfin compte qu'elle n'est pas seule... Je regarde les deux adultes, un peu gênée de mon arrivée tout sauf discrète.

- Bonsoir...

J'ai une bonne ouïe, parait que c'est un truc de vampire, donc non, le commentaire de la jeune femme ne risque pas de m'échapper. Et si je suis d'ordinaire du clan de ceux qui repoussent les avances sans laisser la moindre chance à la dame, ce soir, j'ai envie de passer à autre chose, même si ça doit être une connerie que je regretterai. Il y a deux ou trois avantages à être un mort-vivant, quand on y regarde de plus près.

"Je suis sorti quelques instants. L'air est vif et le froid mordant."

Il n'y a pas que le froid qui est mordant d'ailleurs. Je me permet un sourire où transparait l'ombre d'une canine avant de reprendre mon sérieux, imaginant Elaine - la seule capable de relier cet adjectif à ma véritable nature - lever les yeux aux ciels en se demandant quel âge j'ai.

"Et non, je suis pas "flic". Je suis détective privé. Et croyez moi que ça n'a rien à voir. La différence entre nous, c'est que je m'occupe des affaires qu'ils jugent sans intérêt."

Du genre? Vous avez déjà essayé d'aller signaler une disparition au poste, pour vous faire répondre que "elle est majeure et vaccinée non? Si elle veut s'en aller sans vous prévenir, elle en a le droit"? Voilà, ce genre de truc. Entre deux affaires surnaturelles que les flics ne peuvent clairement pas gérer, et trois reportages photos d'époux cocu qui servent exclusivement à payer les factures. J'ai tendance à faire dans la philanthropie à outrance alors parfois oui, faut accepter de plumer un magnat de l'immobilier multimillionnaire qui se demande pourquoi sa femme de trente ans sa cadette et bien plus agréable à l’œil que lui lui prête moins d'attention...

"En tout cas, pas besoin d'être Sherlock Holmes pour admirer le fait que cette robe vous va à ravir. Mais j'imagine que vous attendez ce commentaire de la bouche d'une autre personne."

Façon peu subtile de me renseigner sur un éventuel compagnon ou compagne. Oui, je suis rouillé dans l'art de la drague, et je ne refuserai pas un peu d'aide. L'arrivée d'une troisième demoiselle me sauve d'une situation gênante, je dirai.

"Bonsoir. Elaine? Tu nous présentes?"

Voilà les présentations faites entre deux. Le premier nous explique que son établissement se porte au mieux :

- Vous m'en voyez ravi ! Je me rends compte qu'avec mes nouvelles fonctions, je n'ai pas prit le temps de revenir vous voir, il faudra arranger ça rapidement.

J'ai à peine finit cette phrase que Sylvana rétorque que si elle avait su qui il était, elle serait allée louer une chambre plus rapidement. J'écarquille les yeux de surprise devant cette phrase. je ne m'attendais pas à cela de sa part. Elle avait toujours était franche, mais disons qu'à l'époque elle y mettais les formes, aujourd'hui moins, ou tout du moins pas les mêmes et cela me perturbait quelque peu. J'avais bien du mal à me faire à ce style de vie. Je vivais reclus depuis si longtemps avant mon arrivée à Chicago que j'en oublais parfois que les mœurs avaient changé. Sylvana semblait si faire bien mieux que moi. Enfin, il y a cinq minutes avec le maire, elle aurait pu dire l'inverse vu ma réflexion avec le maire. Ok, un par tout, balle au centre. J'essaie de répondre rapidement à sa remarque pour ne pas paraître trop étranger à tout cela.

- Pardonnez moi très chère. Me voilà rattrapé. J'espère pouvoir vous y convier dans les plus brefs délais.

Je m'incline très légèrement vers elle, comme pour reconnaître mon erreur.
Pourquoi le vouvoiement entre elle et moi? Une envie de lui montrer toute mon estime pour elle, alors qu'elle se montre aussi ouverte auprès d'un autre ? Oui peut-être. Je ne suis pas l'homme de plusieurs femmes certes. Je suis loin de songer que je puisse l'aimer, mais peut-être que tout cela est intérieur, refoulé au plus profond de mon âme.
Je me tourne de nouveau vers Matthew Savage.

- N'hésitez pas à venir m'interpeller, si vous rencontriez la moindre difficultés dans votre établissement et en dehors M. Savage. Je serais enchanté de pouvoir vous aider.

Cet homme, je lui appartiens depuis le jour où ses crocs ont fait de moi celle que je suis aujourd'hui. En vérité, plus longtemps encore, étant donné que j'ai fait partie de ses plus proches partisans avant même que notre destin à tous soit scellé de la sorte. Il était mon Prince, celui qui donnait les ordres, et celui aux ordres de qui j'obéissais. Celui que je respectais, également. Celui que j'admirais? Très certainement. Je suis restée en retrait, fidèle lieutenant dans l'ombre des flammes qui faisaient battre son cœur. Wilhemina, pour qui j'avais le plus grand respect, et que je n'aurai jamais trahie de la sorte. Puis cette petite peste de Mina, qui ne devait qu'à sa ressemblance frappante avec la sus-nommée d'être dans les bonnes grâces de notre seigneur, et trouvait encore à se montrer des plus viles avec lui. J'ai attendu mon heure, longtemps, et j'attendrais encore un millénaire de plus s'il le faut. Tant que Vladimir sait sur quelle épaule se reposer au besoin.

Et s'il le sait? Nul doute qu'il le sait. Sinon, pourquoi utiliser avec moi ce ton princier qu'il réservait jadis aux plus nobles de ses compagnons? Une part de moi espère que ce soit pour évincer l'intérêt soudain que je porte au sorcier qui nous fait face. Une autre, plus rationnelle, pense qu'il craint de m'avoir froissée en omettant quelques détails de l'histoire. Enfin, "craint"... que craint vraiment Dracula? Je lui offre mon plus beau sourire, faisant mine d'oublier le jeune homme à nos cotés. Quoique, si la faim se faisait ressentir... il est parfois nécessaire d'allier l'utile à l'agréable...

"Et ce serait avec plaisir que j'accepterai cette invitation. Quoique votre jeune ami semble oublier que n'avons guère besoin de dormir, vous et moi..."

Simple constatation sans arrière pensée. Promis, juré. Ma dernière nuit de sommeil remonte à plus de neuf siècles... à quelques régénérations près. Les vampires guérissent vite, mais cela dépend également de l'importance des plaies. J'ai eu droit à quelques heures de "sommeil" au fil des siècles. Bref. Ce jeu m'amuse beaucoup. Au bras de Vladimir, je me sentirai presque Cendrillon. Ce qui me laisse à penser que la fin du conte est plutôt tragique, si ma mémoire est bonne. Carpe Diem.

"Enchantée d'avoir fait votre connaissance, Mr Savage. J'ose penser que nos chemins se croiseront de nouveau d'ici peu, si cet homme-ci s'y engage."

Je plonge le nez dans ma coupe de champagne, prenant le temps d'en avaler une gorgée que je n'apprécie pourtant pas à sa juste valeur, unique moyen de m'éviter de croiser de nouveau le regard si attirant de mon créateur. Quoique les yeux sombres qui y font face ne sont pas horribles à regarder non plus. Focus Sylv', le charme à outrance, c'était bien quand tu te croyais seule au monde.